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Rodolphe Tosi
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30 octobre 2023

Décès - Rodolphe TOSI

Hommage funèbre Rodolphe TOSI (1926 – 2023)

Cet homme est un héros !

C’est par cette affirmation que Jean-Luc Favre Reymond débute la biographie du caporal Rodolphe Tosi, le voltigeur de la République.

(Je crois que ce qualificatif faisait sourire Rodolphe mais je pense qu’il l’assumait totalement). C’est très difficile d’expliquer ce que signifie ce terme de Héros et je ne suis pas sûr d’être le mieux placé pour tenter le faire et c’est donc pour cela que je vais laisser parler l’histoire, l’histoire de notre pays parce que justement Rodolphe a participé à l’écriture de cette histoire.

Rodolphe Tosi a 13 ans lorsqu’il passe son certificat d’étude, commence son apprentissage en coiffure et qu’éclate la deuxième guerre mondiale. (lors de l’offensive italienne, il est évacué avec sa famille vers La Motte Servolex avant de revenir à Modane). Très tôt orphelin, il est recueilli par son frère et travaille aux Echelles comme coiffeur. En 1943, à 17 ans, confronté à la Milice et aux représailles des Allemands face aux actions de la Résistance, il entre au maquis de Chartreuse.

Lorsque je suis allé voir Rodolphe à l’hôpital de Moutiers pendant le COVID, nous avons discuté de cette période de sa vie et je lui ai alors demandé comment, à cette époque-là, un jeune de 17 ans pouvait faire un tel choix aussi différent de celui de la majorité des Français qui suivait docilement le Régime de Vichy. Rodolphe a pris son temps pour me répondre et a lâché : « parce que j’aime la France ».

Effectivement, guidé par un fort sentiment d’appartenance à la nation, Rodolphe, malgré son jeune âge, a ressenti l’impérative nécessité de combattre l’ennemi pour défendre sa patrie d’adoption.

La compagnie Hugues (Marc Haguenau) à laquelle il est intégré et qui fait partie désormais du « bataillon de Chartreuse » participe activement à la libération de Grenoble le 22 aout 1944. Puis ce sera la jonction avec les Américains à Pont de Chéruy, la libération de Lyon et enfin la signature d’un engagement pour la durée de la guerre au sein de la première Armée Française.

Rodolphe qui aime faire du ski souhaite entrer dans les chasseurs alpins mais finalement il se retrouve dans les Tirailleurs Sénégalais (13 RTS) au sein de la 9ème Division d’Infanterie Coloniale. Il confessera plus tard : « c’était la première fois de ma vie que je voyais un noir, au début ils me faisaient peur, mais on a très vite fraternisé, on allait se battre ensemble. C’était très émouvant ».

Après le « blanchiment » de son régiment, en novembre 1944, Rodolphe a tout juste 18 ans. Il est aux portes de Mulhouse. C’est la campagne d’Alsace.

Il va se distinguer à plusieurs reprises, risquant sa vie sans se soucier des dangers qui le guettent à tout moment.

Le 20 janvier 1945, avec son régiment le 23ème RIC, il participe à la libération de Lutterbach au prix de pertes énormes et de dégâts très lourds ; le village est détruit à 96%. Rodolphe sera fait citoyen d’honneur de Lutterbach en 1989.

Le 9 février 1945, pris sous un violent tir d’artillerie, Rodolphe reste seul pour couvrir le repli de son poste et ramène son chef de groupe gravement blessé. Il est cité à l’ordre de la brigade.

Le 9 avril 1945, lors de l’attaque de Spielberg, Rodolphe est grièvement blessé au ventre, alors qu’en tête de sa section, il allait porter secours à 4 camarades blessés. Il est cité à l’ordre de l’armée.

Pour lui, la guerre est finie. Rodolphe aimait évoquer son premier défilé du 14 juillet.

« Après la capitulation de l’Allemagne nazie, j’ai eu l’honneur de participer au défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées, en qualité de garde drapeau de mon Régiment, le 23e RIC. Autant vous dire la fierté et la joie que j’ai éprouvée, au milieu de mes camarades ».

Après deux mois d’hospitalisation et une courte convalescence chez son frère, Rodolphe rejoint son régiment à Villingen. Il n’était pas militaire de carrière mais il s’était porté volontaire. Il s’était engagé pour la durée de la guerre contre l’Allemagne mais aussi pour l’Extrême -Orient. Le 25 octobre 1945, il part pour l’Indochine au sein du « Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient ». Plus tard, il dira « On est parti avec le même idéal que pour la Libération ; on était là pour la France et pour la liberté ».

Arrivé à Saïgon, Rodolphe découvre des paysages fascinants mais doit faire face à un ennemi bien entrainé, mieux armé, connaissant parfaitement le terrain et souvent insaisissable. Il fera encore et toujours preuve de fougue et de courage.

Le 15 décembre 1945, lors de l’attaque de Cho-Den il est cité à l’ordre du régiment, après avoir pénétré dans les défenses rebelles malgré un feu violent contribuant ainsi à les bousculer.

En mars 1946, Rodolphe arrive à Haiphong. Après de sérieux accrochages avec les Chinois, il participe en décembre à l’ouverture du chemin de fer de Hanoi à Haiphong puis est envoyé sur la RC4.

En février 1947, le jeune caporal Tosi, remarquable de courage et de dynamisme, est à nouveau cité à l’ordre de son Régiment après s’être dépensé sans compter au cours des combats devant Ha Lien au Tonkin.

Marqué par la disparition de nombreux amis, éprouvé par le climat, fatigué par la guerre et 42 mois d’armée loin de chez lui, Rodolphe choisit de ne pas « rempiler » malgré les demandes de ses chefs et les propositions de promotion. Il retourne à la vie civile.

A tout juste 21 ans, le caporal Rodolphe Tosi avait connu la Résistance dans le maquis de la Chartreuse, la campagne d’alsace au sein de la 1ère Armée française de De Lattre et l’Indochine dans la coloniale. Il avait servi sous les ordres de chefs prestigieux, Lescure, Bigeard, Pascal. Il s’était vu décerner les décorations militaires les plus prestigieuses : croix de guerre 39-45 avec 2 citations, croix de guerre TOE avec 2 citations, croix du combattant volontaire avec agrafes 39-45 et Indochine, croix du combattant et médaille des blessés militaires. En 1953, il se verra également conférer, la plus haute distinction militaire, la Médaille Militaire ; fait rarissime pour un militaire du rang.

Alors oui, le caporal Tosi a été et demeure un grand soldat et il aurait pu tourner la page dés son retour à la vie civile en 1947. Mais Rodolphe est aussi un grand serviteur de la Nation, en ce sens où il restera au service de son pays en faisant vivre ce devoir de mémoire qui ne consiste pas seulement à se recueillir devant des cendres mais surtout à souffler sur des braises.

Il commence à fréquenter les anciens combattants de sa commune, ceux de Mercury ainsi que les résistants d’Albertville. Déjà désireux de transmettre aux jeunes générations ses souvenirs et les valeurs qui l’avaient porté, il intervient dans les écoles pour raconter ces difficiles périodes de guerres, de déchirements au sein de la nation et surtout pour éviter qu’on oublie.

Rodolphe prenait beaucoup de plaisir à aller à la rencontre des jeunes et pas seulement pour raconter son histoire ; mais pour leur raconter leur histoire, celle de la France et surtout pour leur apprendre à affronter la vie.

Et puis il y a encore et toujours l’Indochine. En 1994, il y retournera avec des frères d’armes d’alors pour une sorte de pèlerinage organisé par les médaillés militaires. Ce n’est pas vraiment de la nostalgie, plutôt peut-être une espèce d’amertume et plus certainement un besoin de rendre hommage à tous ces morts qui ont eu la charge de porter une partie de l’histoire de notre pays.

Rodolphe s’investit également dans l’édification, à Fréjus, du mémorial dédié aux morts pour la France en Indochine. Il lance une souscription qui va réunir près de deux millions de francs et à laquelle les Albertvillois vont largement contribuer.

Enfin il n’aura de cesse de se battre pour le grand projet qui lui tenait à cœur, l’édification à Albertville de la stèle en mémoire aux morts d’Indochine (1945-1954-1955) et des Théâtres d’Opérations Extérieures. Elle sera inaugurée le 9 mars 1997 par le maire d’Albertville Albert Gibello en présence notamment du général Pascal, son commandant de compagnie en Indochine.

La France sait reconnaitre ses grands serviteurs, civils comme militaires et le caporal Rodolphe Tosi, après avoir reçu les plus hautes récompenses militaires, se verra conférer les insignes de chevalier de la Légion d’honneur en 1989 puis d’Officier de la Légion d’Honneur en 2014.

Ces distinctions ne sont, pour lui, ni une fin ni un aboutissement. Il va continuer d’œuvrer au sein de toutes les associations représentatives du monde combattant dont je salue ici la présence des porte-drapeaux (médaillés militaires, médaillés de la Résistance, anciens de 39-45, anciens de Rhin et Danube, anciens d’Indochine et des Théâtres d’Opérations extérieures, anciens des Troupes de Marine, Souvenir Français). La Légion d’honneur restera pour lui, non seulement une immense fierté mais aussi une obligation. Il sera toujours présent aux côtés de ses camarades légionnaires au sein des Décorés au Péril de Leur Vie pendant plus de 40 ans et comme porte drapeau de la Société des Membres de la Légion d’honneur tant que ses forces le permettront.

Rodolphe a été un beau soldat et un grand serviteur. Ses engagements, sa vie et son amour de la France resteront des repères, notamment pour les plus jeunes d’entre nous. C’est bien pour cela que le Caporal Rodolphe Tosi est un héros pour ceux qui l’ont côtoyé et doit le demeurer pour les jeunes générations.

Alors pour l’exemple que vous nous avez donné,

Merci Rodolphe,

Mes respects Caporal Tosi,

Adieu Marsoin.

Colonel (er) Dominique Besse

Tosi

 Tosi

 

 

 



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